Opposants omniprésentsLes carottes sont-elles cuites pour un accord avec l’Union européenne?
Alors que le délai fixé par l’UE pour conclure un accord se rapproche, la situation politique est toujours dominée par les opposants. Analyse.
- Un nouvel accord Suisse-UE est encore discuté sans échéance précise.
- L'UE refuse une clause de sauvegarde pour limiter l'immigration suisse trop massive.
- Des patrons suisses s'opposent à la reprise du droit européen dynamique.
- UDC et syndicats restent pour des raisons différentes dans le camp du non.
L’Union européenne (UE) continue de mettre la pression sur la Suisse. Lassée des discussions sans fin et du claquage de porte helvétique sur l’accord institutionnel en mai 2021, elle veut un accord ferme avec la Suisse avant la fin de l’année. Petros Mavromichalis, l’homme de Bruxelles en Suisse, l’a répété encore une fois dans un excellent français à la RTS mercredi matin.
Le problème pour lui, c’est que la Suisse est moins pressée. Le Conseil fédéral ne veut pas se laisser enfermer dans un délai précis. En langage officiel, cela se traduit dans la bouche d’Ignazio Cassis par la formule suivante: «privilégier la qualité à la rapidité». Alain Berset, s’il était encore au gouvernement, aurait dit «aussi vite que possible, aussi lentement que nécessaire…»
Ce tango Suisse-UE désaccordé est-il préoccupant pour la suite des opérations? Pas vraiment. Après des années de vaines négociations, six mois de plus ou de moins ne pèsent pas vraiment dans la balance. Ce qui est en revanche plus préoccupant pour les partisans d’un accord, ce sont ces éléments suivants:
Pas de clause de sauvegarde sur l’immigration
L’immigration en provenance de l’UE est massive depuis des années. Vu l’exiguïté du territoire, cela commence à poser des problèmes. Et ce n’est plus seulement l’UDC qui grogne et qui exploite la chose avec son initiative contre une Suisse à 10 millions de personnes. D’autres voix, comme le président du Centre, Gerhard Pfister, exigeaient un mécanisme de frein.
Le Conseil fédéral a chargé ses négociateurs de demander à l’UE de lui accorder une clause de sauvegarde permettant de limiter la libre circulation en cas d’immigration trop massive. Récemment, l’UE a dit très clairement qu’il n’en était pas question. Cela refroidit du coup des PLR et des centristes qui y voyaient un moyen efficace pour convaincre la population lors du référendum qui aura lieu sur le futur accord.
Des patrons qui disent non en campagne
Alors que l’accord n’est même pas signé, le camp du non est déjà sur le pied de guerre et s’élargit. On l’a vu ces dernières semaines avec l’apparition sur la scène publique de trois patrons milliardaires, qui ont fondé Partners Group et qui financent l’association Boussole.
Réunissant des gens plutôt proches du PLR et du Centre, Boussole s’oppose à la reprise dynamique du droit européen. Elle y voit un danger pour la démocratie directe suisse et pour le régime libéral des entreprises. Cette opinion est partagée par une association similaire, baptisée Autonomiesuisse. Pour contrecarrer ce discours, il n’y a guère qu’EconomieSuisse qui mouille le maillot mais, curieusement, pas de grand patron en Suisse romande.
Les poids lourds politiques toujours hostiles
Avant que la Suisse négocie avec l’UE, elle s’est entendue sur une sorte de préaccord baptisé «Entente commune». Il balise autant que possible le terrain. C’est là que l’on retrouve l’engagement sur la reprise dynamique du droit européen, la perspective d’un accord sur l’électricité ou certaines règles d’application de la libre circulation des personnes.
Mais dès la publication de ce préaccord, on a vu que deux forces de poids dans la politique suisse se positionnaient déjà contre. D’un côté, le premier parti de Suisse, l’UDC, pour des raisons de perte de souveraineté nationale. D’un autre côté, les syndicats, pour des raisons de protections insuffisantes concernant l’évolution du droit du travail. Cette seconde opposition aurait dû disparaître avec un accord national entre les syndicats et les milieux patronaux suisses. Or on ne voit toujours rien venir sur ce front-là.
Un lapin de dernière minute?
Avant même qu’un paquet d’accords soit bel et bien signé avec l’UE, les carottes semblent donc déjà cuites en raison d’une opposition toujours plus multiforme en Suisse. Mais on se gardera de livrer un diagnostic définitif. Rappelons que les négociations se déroulent dans les coulisses, à l’abri des regards. On ne peut pas exclure que les négociateurs suisses et européens sortent de leur chapeau un lapin qui retourne le scepticisme ambiant. À vérifier à la fin de cette année ou en 2025.
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